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CISTABLOG
29 janvier 2019

AUTOPORTRAIT

Réponses au questionnaire de Bernard Pivot       

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Votre mot préféré ?

Murmure.

En script, ce mot s'écrit tout en rondeur et s'allonge comme se prolonge le bruit qu'il désigne. Le son, le sens et le signe concordent. De plus, un murmure se rapporte aussi bien au vent, aux oiseaux, à la voix qui berce un enfant, qu'à une foule admirative ou grondeuse et menaçante. Le murmure est aussi l'écho d'un bruit contenu. Derrière le murmure se tiennent une intention, un phénomène, une histoire et pour finir une musique sans doute.

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Le mot que vous détestez ? 

Discipline.

Ce mot conserve et entretient la confusion que justifierait une certaine interprétation de l'adage "qui aime bien châtie bien". Une interprétation où le châtiment serait une forme masquée et pudique de l'affection portée à la personne punie. L'expression "châtie bien" au nom de l'amitié, de l'amour invite à trouver une réparation juste. Châtiment, fouet, règle de conduite, voilà des termes qui réveillent des images de pratique ecclésiastique ou de moeurs militaires. La discipline s'adressait à une collectivité de disciples, de soldats. L'individu qui n'était pas disciplinable passait en conseil de discipline et après décision d'une sanction disciplinaire pouvait être expédié au sein d'une compagnie de discipline. Bien sûr, je sais la nécessité de partager des modalités de conduite, je sais bien que rien n'est possible sans un minimum d'organisation, sans rechercher le plus petit dénominateur commun de valeurs acquises et admises, cependant je mesure, sans être partie prenante, combien toute action humaine est vaine qui s'impose à l'être humain. En vérité le mot discipline d'après mes propres références suppose une soumission. Je n'approuve pas la soumission de quiconque surtout lorsque les règlements sont appliqués à la lettre par des supérieurs têtus, imbéciles, pleutres. Voir le film "Le pantalon" réalisé par Yves Boisset d'après le livre d'Alain Scoff

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Votre drogue favorite ?

La lecture.

Initialement le mot drogue définit un remède ou l'une des substances le composant. Depuis l'enfance, la lecture me fut un ingrédient agréable, efficace contre la torpeur, la soumission, l'innocence et elle le resta tout au long de mon adolescence puis de ma jeunesse. Je n'ai jamais pu m'en passer. Mais elle ne me plonge pas dans un état de passivité, elle n'efface pas la réalité en privilégiant l'imaginaire. Elle la complète. La lecture reste mon principal plat de résistance intellectuelle. Ma pensée s'alimente aux pensées des autres, celles des écrivains.

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Le son ou le bruit que vous aimez ? 

La course du cheval.

Je ne suis pas un cavalier, j'ignore tout de l'équitation. Le galop du cheval évoque les grands récits de westerns, bien sûr, mais aussi l'hippodrome où, enfant, j'ai assisté à des courses de trot, à des concours hippiques. J'aime cette plaisanterie qui dit qu'une voiture à cheval, même si le cocher s'endort, ne s'arrêtera jamais contre un mur...

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Le son, le bruit que vous détestez ?

Le chant des grenouilles un soir d'été ou le carillon d'un angélus de cloches.

Quand ces bruits sont lointains, on écoute et on parle de pittoresque, de champêtre. Mais, à proximité, c'est un vacarme infernal. Suggestion pour les diablotins de l'enfer : superposer sans une seule pause une volée de cloches aux croassements d'un choeur permanent ! Folie garantie.

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Votre juron, gros mot ou blasphème favori ? 

Purée de moine.

Pas très tonitruant, je l'avoue, guère suggestif du dessous de la ceinture donc un peu désuet pour les grandes gueules d'aujourd'hui. Cette expression m'a surpris et fait rire lorsque, gamin, je l'ai entendue la première fois. On peut la décliner selon les circonstances de sa colère : purée de banquier (en cas de pénalités excessives), purée d'artiste (dont il faut payer les droits d'auteurs à la Sacem), purée de politique (la plupart du temps)... Pour réaliser une purée il faut cuire puis écraser. Cuire et écraser, voilà des gestes culinaires bien appropriés pour asticoter l'imbécile qui nous fait monter la moutarde au nez jusqu'à crier : purée de ...  A la place des points de suspension, grande et large place pour accoler tout autre juron classique : purée de chieur de couille en merde ! Variante rurale : purin de… D'où la curieuse combinaison suivante : purée de purin de... L'imagination est si généreuse en la matière.

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Homme ou femme pour illustrer un nouveau billet de banque ?

Roberto Rastapopoulos.

L'ennemi attitré de Tintin. Qui représenterait davantage le pouvoir de l'argent ? Rastapopoulos se mêle de toute affaire juteuse : producteur de cinéma, armateur, marchand d'armes, trafiquant de drogue et d'esclaves, ravisseur et faussaire... Son portrait désormais universel en Méphistophélès (voir Coke en stock) serait le plus adéquat, purée de diable de Rastapopoulos !

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Le métier que vous n'auriez pas aimé faire ?  

Chirurgien-dentiste.

Mettre des instruments de mini-bricolage dans la bouche du patient (cependant impatient), ajouter ses doigts pour l'empêcher de répondre au monologue analysant la reproduction des mollusques en Terres australes et antarctiques ou détaillant la recette du hachis parmentier à la mode bourbonnaise, me semble la pire des façons de subvenir à ses besoins. On peut nourrir sa famille autrement, n'est-ce pas ? Ceci dit, mon dentiste est un homme charmant et je n'ai aucune dent contre lui, bien évidemment.

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La plante, l'arbre ou l'animal dans lequel vous aimeriez être réincarné ?

En sphinx.

Pas le papillon ni le chat canadien mais le monstre mythologique. Une vie d'énigmes, une mort mystérieuse, un tiers de femme, un tiers de lion, un tiers d'aigle, une existence qui sort de l'ordinaire. Ma réponse traduit sans doute combien le récit d'Œdipe m'a passionné depuis la lecture, dans la Série Noire, en 1994, de l'enquête qu'en fit Didier Lamaison. J'ai lu dans la foulée les pièces de Sophocle, de Jean Anouilh, de Jean Cocteau, de Corneille, de Voltaire. J'ai dévoré les deux volumes de Henri Bauchau (Œdipe sur la route, Antigone). J'ai déniché par hasard un essai de Annick de Souzenelle (Œdipe intérieur)… Le film de Passolini (Œdipe roi) mérite d'être vu et revu. Le charme qui émane du sphinx au bas de la rampe cavalière à la Bâtie d'Urfé n'est pas anodin. La statue porte sur son poitrail une inscription latine : Sphingem habe domi. Comment traduire ? Garde ton secret chez toi ? Conserve tout secret au plus profond de ton cœur ? Possède un secret personnel ? C'est une invitation à ne pas tout dire, tout montrer, tout dévoiler. Louis XIV conseillait au futur Philippe V d'Espagne, son petit-fils de posséder une "cassette pour mettre ce que vous aurez de particulier  dont vous aurez seul la clé". Parler n'est rien si la parole est livrée entière à tous. Le destinataire d'une parole importe autant que le contenu de cette parole. Le sphinx ou plus justement la sphinge, être complexe à la nature monstrueuse, livre à Œdipe, le boiteux presque roi, combien  son comportement sera monstrueux. L'énigme posée contient une double réponse. La devinette pour enfant (l'être humain se déplace, bambin, à quatre pattes, puis apprend à marcher sur ses deux jambes et, vieillard, assure son équilibre à l'aide d'une canne) révèle la destinée d'Œdipe : ton nom dit que tu fus un enfant estropié et que marcher debout fut une épreuve singulière ; adulte, tu fuis les tiens, tu te bats contre celui dont la roue de chariot monte sur ton pied malade, tu le tues et, devenu roi adulé, tu te dresses de toute ta hauteur, de toute ta carrure ; vieux et aveugle, tu vagabondes, appuyé sur l'épaule de ta fille Antigone. La sphinge, Œdipe, deux monstres. Troisième secret de l'énigme : la monstruosité sommeille en chacune et chacun. Il nous appartient de découvrir ou pas les tiers qui la composent. En définitive, je suis sans aucun doute déjà sphinx. 

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Si Dieu existe, qu'aimeriez-vous, après votre mort, l'entendre vous dire ?

Pardon de n'être pas tout-puissant.

Théodore Monod (dans son livre Terre et ciel) suggère qu'il n'est pas possible d'attribuer à une divinité supposée omnipotente la multitude d'horreurs et d'atrocités  qu'on trouve à tous les niveaux de la nature. Je reprends cette idée à mon compte et par conséquent, si Dieu existe, je souhaiterais l'entendre prononcer ce mot, pardon.

Merci Monsieur Pivot.

D. CISTA

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