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30 janvier 2019

CRITIQUE DE L'ALBUM LUEURS D'OMBRE PAR PIERRE THEVENIN

LUEURS D'OMBRE

D'après le commentaire de Pierre Thévenin (Le Dix vins blog)

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"Pour une fois, je n'ai pas eu à chercher de titre pour mon coup de coeur. Celui de l'album, en forme d'oxymore, traduisant à merveille l'atmosphère des chansons. Chansons de proximité, portées par une voix en tous points expressive, un timbre de troubadour avec un vibrato aussi discret que sensuel.

Comme nous ne sommes plus à l'époque des « Visiteurs du soir », la technique a son mot à dire mais, sur scène, on imagine très bien Dominique Cista armé de sa seule guitare (dont il use avec brio).

Il assume la parenté chansonnière avec Frederik Mey, un artiste berlinois, 100% bilingue, qui a fait un bout de chemin par chez nous dans les années 70, avec un Prix de l'Académie Charles Cros à la clé, puis a poursuivi sa carrière outre-Rhin après s'être séparé de sa Christine hexagonale.

Dominique a, lui aussi, tenté un galop d'essai dans les seventies... Faux départ ? Pas vraiment. Les textes, tant romantiques que drôles ou caustiques, les mélodies élégantes, l'interprétation, tout était déjà là. Il ne restait plus qu'à laisser reposer et, quelque trente ans plus tard, à repartir de plus belle.

Le titre de la dernière chanson, " Sur le bout du quai ", aurait pu servir de titre éponyme (c'eût été dommage car Lueurs d'ombre est tellement beau). Dans une métaphore marine, il résume, quoiqu'il s'en défende, son parcours à la troisième personne (pour feindre, peut-être à son insu, de brouiller les pistes ?) : « Il parlait de bateaux, rêvait d'expéditions / Sur le bout du quai / Mais autre fut sa vie, autre sa direction / Sous le coup du vent ». 

S'il subsistait un doute sur l'identité du « il », devenu pluriel - car sur scène il ne mène pas l'aventure en solo - celui-ci semble levé au dernier couplet : « Ils vogueront sur les mers de la création / Sous le coup du vent ».

L'univers de notre chanteur, sous des dehors souvent débonnaires, n'est pas exempt de révolte, loin s'en faut. Sans un mot plus gros que l'autre il prêche pour la tolérance, la non-violence, le refus de la peine capitale. Le coeur de pleutre : " Lorsqu'on l'insulte ou le rudoie, / Au plus fort de l'injure / Nul ne le vit, nul ne le voit / Battre des poings comme il se doit, mais...  / Sous sa chemise  / Parlons bien franc / N'est pas un coeur de pleutre / Qui palpite, non, non, oh non!". Qu'il soit cocu, qu'on le vole, voire l'assassine, l'homme ne réplique jamais. Seule exception : « Si l'on pend truands, bourgeois, / Du haut de sa carrure / Chacun le vit, chacun le voit / S'interposer comme il se doit, car ... ».

Pacifisme et condamnation inconditionnelle de la peine de mort sont les deux mamelles du personnage. Autre exemple de chanson « engagée » : « Ici nos femmes et nos filles » qui nous entraîne dans une société alternative, une sorte de phalanstère, mais sans l'angélisme de l'idéologie hippie. On y a des armes, dissuasives, la nature et les hommes n'y sont pas épargnés par la colère qui fait partie de la vie. S'il arrive que l'un des membres de la communauté transgresse la loi non écrite (il n'y a pas de gouvernement, pas de police), « Les arbres portent trop de fruits pour y suspendre l'insensé ». Le coupable s'en va de lui-même et ne revient que longtemps après, une fois « réconcilié avec la joie. » Ce texte est particulièrement riche en bonheurs d'écriture tels que « Les vieilles rident joliment leur sourire de lourde paix ».  

 

Dominique sait utiliser le langage avec intelligence et sensibilité, sans rien de systématique : ici l'on trouvera un refrain en deux parties  (« Sur le bout du quai ...  Sous le coup du vent », là une pléthore d'adverbes en -ment dont certains sont d'étonnants néologismes (ratatineusement, petafineusement - dans Et c'est peu dire) ; ailleurs une de ces distanciations chères à Bertolt Brecht (dans C'est dit, c'est fait : « Fin du refrain, nouveau couplet..., Solo, puis le dernier couplet... » dans une chanson que l'on peut qualifier de didactique sur la parole et les actes, et avec des rimes riches en « -plet ». Il ne  fait pas un dogme de la rime mais l'utilise toujours à bon escient. Je crois que c'est Gérard Morel qui a dit : La rime, c'est l'endroit où les mots commencent à chanter.

Il est une autre chanson, intitulée Benoît, qui nous en dit long sur son approche du langage. Benoît n'a jamais su appréhender le monde autrement que par la sonorité des mots : « Sous son bonnet d'âne / Tout benêt, Benoît, / Au coin de son âme, / Rêve en tapinois / De nefs capitanes, / De drakkars danois / Puis au joli mot Carthaginois... » Voilà qui donne à méditer si l'on a déjà siégé dans un conseil de classe. Dominique a été enseignant, ceci explique certainement cela. Et il faudra que Benoît attende d'être emporté par la camarde  pour parvenir enfin au « beau pays carthaginois... »

Signalons encore un coup de gueule, un vrai, contre Le crabe aux pinces de mort, avec lequel il a manifestement de sérieux comptes à régler. Mais il n'est surtout pas du genre à baisser les bras : « Je le maudis / Le défie/ S'il me suit / Car dans ma vie / S'est servi, / Plus encore .../ Le crabe aux pinces de mort ! »  

Pour conclure, jedirais que la preuve est faite : le temps ne fait rien à l'affaire, quand on est bon, on est bon!"

Merci Pierre Thévenin. Cista.

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