Mettre un poème en musique

En 2014 l'album Portes éphémères s'ouvrait avec CREDO DE LUCIEN JACQUES

Le plus souvent j'ai besoin d'une mélodie pour déclencher l'écriture du texte d'une chanson. J'ai nécessité d'une phrase musicale pour fixer la phrase textuelle.

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Il est rare que je parte d'un texte et recherche quelle musique ajouter. Toute exception confirme la règle, disait-on jadis, c'est pourquoi, pour ne pas faire mentir cette expression, il m'arrive de vouloir chanter quelques poèmes avec toujours la question de son utilité : pourquoi ne pas laisser les choses en état ? L'auteur apprécierait-il ?

Quand on pénètre dans l'oeuvre d'un écrivain de la stature de Jean Giono, fatalement on gratte du côté de sa biographie et, immanquablement, on croise le nom de son fidèle ami Lucien Jacques. J'avais - comme beaucoup - lu Pour saluer Giono, l'hommage de Pierre Magnan et j'attachais Lucien Jacques à l'aventure du Contadour.

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Le hasard me fit trouver dans je ne sais quel magazine son poème Credo. Détachant la page je la pliais dans le Giono de Claudine Chonez. Le document deviendra marque-page, dormira entre la couverture et la page de garde, chaque fois qu'il tombera je le déplierai, relirai le poème avec le même étonnement.

Par la force des choses, vint un temps où je tentai de composer une musique qui aurait pu soutenir, illustrer une déclamation du Credo. Rien de satisfaisant. Et me voilà risquant de mettre ce Credo sur une mélodie. Après trois essais guère évidents, je laissai le chantier en suspens.

Quand arrive le projet du CD Portes éphémères, l'idée de le placer en première place me fait rouvrir le brouillon délaissé. Je dis, redis répète, rabâche à haute voix le poème.

Je crois en l'homme, cette ordure,
je crois en l'homme, ce fumier,
ce sable mouvant, cette eau morte.

Je crois en l'homme, ce tordu,
cette vessie de vanité.
Je crois en l'homme, cette pommade,
ce grelot, cette plume au vent,
ce boutefeu, ce fouille-merde.
Je crois en l'homme, ce lèche-sang.
Malgré tout ce qu'il a pu faire
de mortel et d’irréparable,

Je crois en lui,
pour la sûreté de sa main,
pour son goût de la liberté,
pour le jeu de sa fantaisie,
pour son vertige devant l'étoile,
je crois en lui
pour le sel de son amitié,
pour l’eau de ses yeux, pour son rire,
pour son élan et ses faiblesses.

Je crois à tout jamais en lui
pour une main qui s'est tendue,
pour un regard qui s'est offert.
Et puis surtout et avant tout
pour le simple accueil d'un berger.

Le Credo de Lucien Jacques, en solo, au Festival de Montcuq 19 :

Quatre strophes sans métrique régulière, sans rime, des vers tout à fait libres. Comment les chanter ? Refusant de bricoler la structure initiale de l'auteur pour donner l'illusion d'un enchaînement couplet/refrain, je tranche en imaginant un refrain instrumental entre les couplets, en établissant une suite d'accords calés sur un nombre de mesures à quatre temps. Sur cette structure je répète les vers de Lucien Jacques, une cadence en est née, un rythme suit, des notes en jaillissent. Reste plus qu'à modifier ce début de mélodie selon les vers, selon les strophes. Un peu comme certaines mélopées antiques, à la manière de certains hymnes rituels, entre genre récitatif et façon ariette, toute proportion mesurée... La mélodie de chaque couplet (strophe) ressemble à la précédente et s'en sépare. A force de me la mettre en bouche, la chanson prend forme.

Sur scène, le premier vers "Je crois en l'homme, cette ordure" produit un effet de surprise qui saisit l'attention.

Le Credo de Lucien Jacques est disponible depuis 2016 dans l'intégrale éditée par l'Association des Amis de Lucien Jacques).

Credo de Lucien Jacques, version en trio (sept. 19) :

CREDO DE LUCIEN JACQUES

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